Je trouve ça le fun, quand il y a de nouvelles personnes qui se manifestent ici. J’imagine qu’avec le temps, ça va arriver de plus en plus, même si ce n’est pas ça le plus important – en autant que je ne perde pas les visiteurs que j’ai déjà, vous me faites tellement de bien! Mais de temps à autre il en vient d’autres. Comme Daniel, qui me demande dans le billet précédent, «perdre du poids, ça ne me tente pas?» Bon, bon, il a dit «vous » mais moi je le prends pour moi. Bon. Et j’apprécie qu’il mentionne que c’est davantage pour la santé que pour le look, ce qui me prouve qu’il a plus de profondeur que sa cyber-réputation veut bien lui en accorder, et du coup me prouve que je ne me suis pas trompée sur son compte. Retour à mes moutons : le poids, le look, la santé, et le regard des autres.

Daniel n’est pas le seul à réagir, quand je parle de «toutounes.» Au début de l’hiver, je suis allée m’acheter un manteau, parce que j’étais tannée du mien. Petite parenthèse pour les écolos, il était encore très beau et j’en ai fait don au comptoir familial local, parce que je sais que les vêtements tailles forte sont rares comme de la m… de pape dans ces endroit-là et qu’il y aussi des femmes de ma taille, moins en moyens, qui méritent d’être bien habillées. Fin de la parenthèse. Toujours est-il que la vendeuse, après m’avoir servi son traditionnel «Bonjour, est-ce que je peux vous aider?» a changé de visage, quand je lui ai répondu du tac au tac : «Oui, vous le pouvez. Avez-vous des manteaux pour les grosses dames comme moi?»
Je l’ai choquée.

– Madame, ne dites pas ça, il ne faut pas dire que vous êtes grosse.
– Ah, et pourquoi donc?
– Eh bien, on dit «ronde, enveloppée, grassette, taille plus,» mais pas grosse, c’est pas beau.
– Et vous tenez ça de qui?
– Eh bien, tout le monde dit comme ça, à la télé, dans les revues…
– D’accord. Dans les revues et à la télé, une femme grassette, c’est comme Chantal Lacroix, au début de sa carrière. Ou Sophie Stanké, aujourd’hui. Alors regardez-moi bien, et dites-moi que vous trouvez que j’ai le body de Chantal Lacroix, au début de sa carrière, ou de Sophie Stanké, aujourd’hui. Si vous arrivez à me le faire vraiment croire parce que vous en êtes vous-même convaincue, je ne dirai plus jamais que je suis une grosse femme.
– Beh… euh… ben, je ne peux pas dire ça voyons!
– Pourquoi?
– …
– Parce que je suis plus grosse que ça, non? Vous voyez, j’ai raison!

Le tout s’est fait avec le sourire et une pointe d’humour, elle a fini par sourire et s’est dite impressionnée par mon parler direct. Le fait est que j’appelle les choses comme elles sont. Je ne peux quand même pas essayer de faire croire à qui que ce soit que je suis une «rondelette, une grassette, une femme un peu enrobée», ce n’est juste pas vrai. La dernière fois que je l’ai fait, je parlais avec Carole Laganière, la documentariste. C’est elle qui m’a ouvert les yeux. Elle m’a carrément dit : «Tu n’es pas ronde. Tu es grosse. Est-ce que tu trouves ça péjoratif?» Et étrangement, je n’ai pas pu lui répondre que oui, parce que ce n’était pas le cas. Carole appelle les choses comme elles sont. Et elle m’a fait comprendre cette fois-là que gros, ça ne veut pas dire laid. Et elle avait raison. Parlant de documentaires, il y a une autre réalisatrice que j’adore : Helen Doyle, qui en a réalisé un, de documentaire, sur le sujet, intitulé «Je t’aime gros, gros, gros». Du bonbon.

Alors oui, je suis «toutoune,» oui, je suis une grosse femme. Gros ne signifie pas «laid», je le maintiens. D’ailleurs là-dessus, même le dictionnaire me donne raison. Et je découvre qu’il est grisant pour une femme comme moi de mettre aux autres leurs préjugés en plein visage, parce que ce préjugé-là, la majorité prétend ne pas l’avoir. Mais il suffit de voir leur malaise, quand je le mentionne. L’avantage que ça me donne, c’est sur les plus méchants que je le savoure le plus. Ceux-là mêmes qui tombent dans la facilité quand ils veulent blesser, et qui s’en prennent à notre physique. En étant ce que je suis, bien dans mon corps, bien dans ma peau et, ô hérésie, en mesure de pratiquer l’autodérision par-dessus le marché, je leur coupe l’herbe sous le pied et les prive de leur arme de prédilection. Ça les oblige à penser.

J’ai déjà dit, dans un autre billet, que je commence à envisager une perte de poids, pour des raisons de santé. Mais je sais pertinemment que si je me mets de la pression pour en perdre, ça aura inévitablement l’effet inverse. Been there, done that. Et de toute manière, le jour où je me mettrai à perdre, je souhaite quand même garder des rondeurs, genre, habiller du 16 au lieu du 20‑22. D’ici là, je n’ai tellement, mais vraiment tellement pas de problèmes avec mon look; j’ai davantage de problèmes avec ceux qui s’imaginent que la beauté ne vient qu’en un seul format, le format pitoune. Si ces gens-là avaient raison, pour le format de la beauté, il n’y aurait personne pour venir me faire des avances sur le trottoir, au resto, dans le métro… et pourtant ça m’arrive souvent. Heureusement, Époux-stouflant trouve ça plutôt flatteur, quand ça m’arrive et que je le lui dis.

Et à propos des formats/types/modèles pré-établis de beauté, Dove a fait quelque chose d’absolument remarquable. Il était temps. On en parle ici aussi.