En août 1999, j’ai reçu un diagnostic médical qui allait changer ma vie pour toujours. Un médecin a concrétisé, avec des mots, un mal tabou, une maladie honteuse de laquelle personne ne veut parler, parce qu’ils en ont peur. En général, quand on parle d’une maladie en de tels termes, la première chose qui vient en tête, c’est : cancer, ou SIDA. Mais il en est une qui est encore pire que ces deux-là. Pour laquelle il n’existe ni ruban rose, ni ruban rouge. Aucun ruban en fait, parce qu’elle est encore taboue.

Cette journée-là, le diagnostic qui a justifié mon arrêt de travail pour une période indéterminée et qui a marqué le coup d’envoi d’une descente aux enfers dont j’ai eu peur de n’en jamais revenir était : dépression clinique majeure, avec trouble panique. Un très long nom pour une condition qui se résume en un seul mot : souffrance. Souffrance morale, souffrance émotionnelle, souffrance physique même, non dans le sens où j’avais mal quelque part, mais dans le sens où mon corps était, malgré moi, assujetti à mon esprit qui lui était prisonnier d’une maladie si sournoise qu’il a fallu mettre des semaines, des mois, ou dans mon cas des années à guérir.

Je pourrais faire l’histoire de ma vie, ce que j’ai vécu de douloureux depuis mon enfance, dans ma vie adulte; je pourrais parler des malheurs que j’ai connus au cours de mon premier mariage. Je pourrais aussi faire la liste de tous les combats que j’ai menés pour simplement arriver financièrement à nous faire vivre, moi et Coconut, quand je me suis séparée. Je pourrais faire l’autopsie de mon divorce et énumérer les conséquences de celui-ci. Je pourrais aussi évoquer les conflits de personnalité vécus à mon dernier travail, le stress vécu lors du déménagement de la clinique où je travaillais, des abus de pouvoir de ma supérieure immédiate et du harcèlement psychologique qui a suivi sa promotion. Je pourrais aussi parler de ma personnalité perfectionniste, de mon désir si profond d’être aimée né du rejet de ma famille paternelle; je pourrais parler de ce père trop tôt disparu, de celui qui l’a remplacé… En fait je pourrais parler de toutes ces choses, et celui qui lirait ce texte finirait par dire de l’un ou l’autre de ces sujets « eh, bien la voilà, la cause de sa dépression ! » Mais malheureusement, ce n’est pas aussi simple que ça.

Lorsqu’une personne a une grippe, c’est très simple à déterminer et c’est très simple à soigner; elle a contracté un virus. Et tout le monde sait que pour s’en remettre, il faut du repos, beaucoup de liquide, et certains produits qui ne guérissent pas la grippe ou le rhume mais qui en diminuent les symptômes. D’autres maladies s’attrapent ou se développent à partir de microbes. Comme une infection, qu’on soigne alors avec des antibiotiques. Il y a aussi les maladies héréditaires, ou bien les conditions de santé qui naissent parfois d’un mode de vie qui, s’il avait été changé, aurait pu être évitées.

Mais toutes ces conditions ont un point commun : elles sont physiques avant tout. C’est facile d’aller chez le médecin, de lui décrire nos symptômes, de passer des tests, des analyses. Et d’obtenir un diagnostic. Et bien sûr, ce n’est jamais agréable d’apprendre qu’on est malade. Mais il y a quand même un élément rassurant dans le fait de savoir qu’on a « quelque chose » et qu’on peut poser un ou des gestes ou prendre une quelconque pilule ou potion pour en guérir ou bien en être soulagé.

Mais quand on développe des symptômes dépressifs, et quand ces symptômes durent suffisamment longtemps pour n’être plus classés comme « déprime passagère. »; quand on commence à se voir aller et à ne plus reconnaître la personne qu’on s’est toujours vu être et qu’aucun médecin ne peut nous dire qu’on a « quelque chose »; que notre entourage commence à remarquer qu’on n’est plus la même personne qu’avant (et souvent cette remarque nous est faite sous forme de reproche : « fais quelque chose, ressaisis-toi! »), on devient vite entraîné dans un tourbillon qui prend le dessus. Et plus on fait des efforts pour ne pas se laisser entraîner, plus on s’affaiblit et on sombre… Voilà le début de l’histoire, de mon histoire, de ma dépression.

À première vue, je n’avais pourtant aucune raison de sombrer. J’avais ENFIN tout pour être heureuse. J’étais au début de la trentaine, je m’étais sortie d’un mariage malheureux dont la seule issue pour ma sauvegarde mentale (et même physique, à la fin) était la séparation; j’avais postulé pour et obtenu un emploi permanent au sein du gouvernement, ce qui représentait en quelque sorte une sécurité d’emploi à long terme et je performais à 120 % sans effort particulier, c’était simplement ma façon de travailler : rapide et efficace. J’arrivais à combiner ma vie professionnelle et mon statut de mère « mono pas rentable » avec quand même assez de succès. Du moins c’est comme ça que je voyais la situation, puisque je connaissais des mères seules beaucoup moins chanceuses que moi. Et puis deux ans après mon divorce, j’avais rencontré un homme doté de toutes les qualités qui pouvaient me rendre heureuse : il était doux, attentif, non violent, gentil et tendre. Et il avait développé avec mon fils une complicité qui avait fait en sorte que ce dernier l’avait tout naturellement accepté dans notre vie, sans aucune réaction négative ou de jalousie… Cette relation m’a conduite à un deuxième mariage, celui dont j’avais rêvé depuis que j’étais toute petite. Oui, j’avais enfin tout pour me dire que je pouvais désormais être heureuse.

Mais… Quelques mois avant mon mariage de rêve, j’ai commencé à vivre, plusieurs fois par jour et sans avertissement, des moments où tout contrôle m’échappait : palpitations, respiration superficielle, tête qui tourne, engourdissements des bras et des mains, sensation de catastrophe immimente, peur de mourir. Trouble panique, apprendrais-je quelques semaines plus tard. Ces attaques étaient suffisamment fortes et fréquentes pour que chaque soir avant de m’endormir, ma prière soit : « Seigneur, si je dois mourir, fais en sorte que ce soit pendant mon sommeil, pour que je ne voie pas venir la mort; et s’il te plaît, si tu voulais bien aussi t’arranger pour que Coconut soit chez son père, cette nuit-là… Je ne voudrais pas que ce soit lui qui me trouve, il est trop petit pour un tel traumatisme, amen. » (Je sais, c’est tordu.) Chaque crise m’apportait une sensation d’irréalité qui s’amplifiait autour de moi; en même temps, j’avais l’impression d’étouffer; mon cœur se mettait à palpiter et j’étais convaincue de faire une crise cardiaque; que j’allais mourir dans les minutes suivantes. Bien sûr, je ne suis pas morte, puisque je suis là, à écrire tout ça aujourd’hui. Mais au moment où l’on vit ces choses, la seule réalité, c’est ce qu’on ressent au moment où on le ressent. Et quand ça nous prend 20 fois par jour et parfois plus, ça devient une peur constante, celle de devoir passer au travers d’une autre crise, de la prochaine crise. J’ai souvent cru que je deviendrais folle, à force.

J’ai donc consulté. Le médecin a attribué mon trouble panique au stress du mariage qui approchait et de notre déménagement subséquent, combiné au stress de l’adaptation aux nouveaux locaux de la clinique où je travaillais. Il m’a signé un congé de maladie de quelques mois, le temps que tout soit passé, afin que je puisse reprendre le travail calmement. Et lorsque j’ai recommencé progressivement à travailler, mes crises ont progressivement recommencé à se manifester. Dès la première journée de travail, à mon arrivée, le simple fait d’avoir 3 appels à retourner et deux rapports à taper m’a donné l’impression d’avoir une montagne à gravir, et je me suis effondrée. Ça m’a fait mal de constater que je n’étais même plus capable d’accomplir ces tâches si simples alors que huit mois auparavant, j’arrivais non seulement à me tenir à jour dans mon travail, mais aussi à avancer celui d’une collègue qui avait pris trop de retard pour tout rattraper toute seule. Retour chez mon médecin qui a maintenu mon retour progressif à 3 jours par semaine. Je pleurais pour tout et pour rien, je me sentais inapte, j’avais du mal à me souvenir des consignes qui m’avaient été données à peine 15 minutes plus tôt, je me sentais incompétente et coupable de l’être. Puis il y a eu un incident tout bête, à propos d’une lettre urgente à taper et de mon ordinateur qui n’était plus en réseau, donc impossibilité d’imprimer la lettre et j’ai disjoncté. Ce soir-là, j’ai communiqué avec un autre médecin, une femme que j’avais déjà consultée auparavant et dont je connaissais l’intérêt pour les troubles anxieux. Elle a accepté de me voir le lendemain. Elle a mis très peu de temps à diagnostiquer une dépression majeure conséquente au trouble panique (celui-ci s’était entretemps fait un ami qui s’appelait agoraphobie); elle a fait les démarches pour me prendre en charge immédiatement et m’a mise en congé indéterminé. J’étais, à partir de ce jour-là, officiellement « en dépression » et non pas juste souffrant d’un trouble panique. Deux consultations par semaine, prescriptions d’antidépresseurs, thérapie cognitive comportementale (au cours de laquelle j’ai dormi le 3/4 du temps, les premières rencontres). Elle m’a soutenue tout le long de mon congé. Particulièrement un an et quelque plus tard, au moment où mon employeur a décidé qu’il en avait assez de payer mon assurance-salaire et a voulu que je réintègre le travail, malgré les signes encore très évidents de ma maladie.

Pendant cette période, on m’a convoquée à des rendez-vous d’évaluation par un psychiatre mandaté par mon employeur pour déterminer si, oui ou non, j’étais bel et bien inapte à travailler. Oui, mais pour deux mois, a-t-il décrété. Et comme au bout de deux mois je n’étais même pas encore en mesure de veiller sur ma propre personne (le fait de me lever et de prendre une douche représentait pour moi une montagne infranchissable); un autre médecin, psychiatre à l’hôpital même où je travaillais celui-là, m’a convoquée en entrevue et s’est prêté à un interrogatoire digne de ceux qu’on voit dans les séries policières; je me souviens avoir perdu tous mes moyens et éclaté en sanglots; au moment où je me sentais les miettes de ma personne se répandre sur le carreau, il a décrété qu’il me considérait apte au travail et que par conséquent, si je ne reprenais pas mon poste dès le lundi suivant, on me couperait mes prestations d’assurance-salaire. Cette stratégie visait à me faire craquer sous la pression financière, de manière à ce que je reprenne mon poste malgré ma condition. De l’autre côté, mon médecin à moi m’encourageait à tenir bon, si je cédais à cette stratégie, je m’exposais à aggraver mon état.

J’avais constamment l’impression de devoir me justifier. Plus personne ne me reconnaissait, ne me comprenait ou ne me soutenait, du moins c’est l’impression avec laquelle je vivais. Mon mari, influencé à son insu par une famille pour qui la maladie est une faiblesse, avait de plus en plus de mal à composer avec le quotidien à partager avec une épouse malade. Je n’arrivais plus à laver 3 morceaux de vaisselle sans éprouver le besoin irrépressible de dormir. Mes journées se résumaient à dormir, manger, dormir, faire pipi, dormir, prendre mes médicaments, dormir… je pouvais dormir jusqu’à 18-20 heures par jour et malgré cela être toujours fatiguée.

J’avais perdu intérêt à tout. Même regarder une émission à la télévision était au-dessus de mes forces. Peu à peu, j’ai arrêté de téléphoner à mes amis et mes proches parce que ça représentait un effort surhumain et surtout, parce que je n’avais aucune envie de parler, encore moins d’écouter. De toute manière, il m’est arrivé plus d’une fois de m’endormir au téléphone pendant qu’on me parlait. D’autres m’ont évitée, ont laissé se relâcher des liens d’amitié qui ont fini par mourir d’eux-mêmes. Même si aujourd’hui je sais qu’ils étaient dépassés et qu’ils ne savaient ni quoi faire, ni quoi dire, à l’époque, cette peine n’a fait qu’en remettre une couche sur tout ce à quoi j’avais à faire face. Rien de plus mêlant que de comprendre le comportement quelqu’un et en ressentir l’injustice, en même temps.

En octobre 1999, en voulant aller chercher des amis à l’aéroport, je me suis endormie au volant de la voiture de courtoisie que je conduisais, et j’ai embouti une camionnette à 85 km/h. Je n’ai pas été blessée, à part une petite plaie au front qui n’a même pas nécessité de points de suture et un gros hématome au sein droit. Mais dorénavant, la conduite automobile m’était interdite, en raison du danger que je représentais sur la route pour moi-même et pour les autres. (D’oh!) Mon sentiment de déchéance s’est approfondi, parce que du coup je perdais encore une partie de mon indépendance. J’ai d’ailleurs fini par vendre ma voiture pour payer mes médicaments.

Pendant tout ce temps-là, j’ai délaissé peu à peu tout ce qui composait mon quotidien; j’allais faire garder mon fils pour rentrer chez moi et dormir, sachant bien que je n’arriverais pas à traverser une journée si je devais m’occuper de lui. Et le soir, c’est mon mari qui prenait le relais. Le voilà donc avec la charge financière d’un foyer, la responsabilité d’un enfant et celle d’une femme qui devenait de plus en plus un fardeau. Les désaccords et les querelles ont commencé à se faire de plus en plus fréquents et toujours pour la même raison : il ne comprenait pas. Pour lui, rien de physique ne laissait voir que je pouvais être malade et à un certain moment, je pense qu’il a cru que j’alimentais mon « apitoiement sur mon sort », qu’il fallait juste que je me secoue un peu et que je me bouge le derrière. Et à chaque fois les mêmes arguments de ma part : « je n’ai pas choisi d’être malade, j’ai pas fait exprès, pourquoi faut-il à chaque fois que tu me reproches de ne rien faire dans la maison que je t’explique que je n’ai pas la force de faire quoi que ce soit? » D’un côté j’opposais la réalité d’être malade à des reproches que je savais ne pas mériter et de l’autre côté, j’avais l’impression qu’il avait peut-être un peu raison et que je me « justifiais » avec la dépression. En fait, je me détestais dans cet état, j’aurais voulu juste redevenir celle que j’avais été et je me sentais coupable d’être malade. À force de discuter avec mon médecin, j’ai fini par comprendre que pour guérir, il fallait d’abord que j’admette que j’étais malade et que j’accepte de composer avec la dépression. Qu’il était inutile de vouloir guérir d’un seul coup parce que c’était impossible; que c’était comme un entraînement, il fallait y aller un pas à la fois.

Et c’était tellement difficile… J’étais fatiguée, je dormais mais je ne récupérais jamais, et les mois se sont transformés en années… Mes amis, mes proches se désespéraient de me voir comme ça, et je le sentais dans leurs propos, ils ne savaient plus quoi me dire, quoi faire pour moi. Je sentais que devenais un fardeau pour eux aussi, en plus d’en être déjà un pour mon mari. Et quelle mère étais-je devenue? C’est là que j’ai commencé à me dire – et à croire – que finalement, le monde entier se porterait mieux sans moi. J’avais envie de mourir, tout en étant incapable de passer à l’acte. Combien de fois ai-je pris toutes mes bouteilles de pilules pour les vider dans un bol à céréales… Je les regardais ensuite, en me disant que tout serait si simple… Mais j’ai eu aussi le réflexe (intelligent) de dire tout cela à mon médecin. Qui a tout de suite pris des dispositions pour que ma pharmacie me serve mes prescriptions une semaine à la fois. Elle m’a aussi décrit toutes les séquelles possibles dont je pourrais souffrir si je décidais de passer à l’acte sans réussir. Et ma tête la croyait et savait qu’elle avait raison. Mais mes pensées et mes émotions arrivaient quand même parfois à me persuader que, vu mon état et ce que j’étais devenue, il n’était que logique de vouloir libérer ceux que j’aimais du fardeau que j’étais devenu, comme un cadeau à leur faire. Que même mon fils ne pouvait que mal tourner avec une mère comme moi en exemple. Et cette pensée me faisait pleurer, souffrir, parce que je ne voulais pas que ma vie se termine, mais que CETTE QUALITÉ DE VIE-LÀ finisse. Je ne voulais juste plus avoir mal. Je me souviens, au cours de l’un de ces épisodes, d’avoir dit en pensée à mon frère Jojo à quel point je comprenais comment il avait pu se sentir, 2 secondes avant d’appuyer sur la gâchette…

Et les problèmes financiers qui s’accumulaient, du fait que je n’avais plus de revenu. J’avais déposé un grief contre mon employeur avec mon syndicat, et j’attendais un arbitrage. Je savais que j’avais toutes les chances d’avoir gain de cause. Mais comme je l’ai mentionné plus haut, mon employeur escomptait que j’abandonne les procédures sous la pression financière de plus en plus forte. Finalement, au bout de 20 mois de résistance, ils m’ont offert un règlement à l’amiable, sans admission de part et d’autre. Moyennant ma démission. Mais comme de toute façon j’avais une compensation monétaire pour le salaire perdu et vu la détérioration des relations avec mon employeur, jamais je ne m’en serais sortie indemne si j’étais retournée travailler pour cet hôpital. Ironie du sort, le médecin psychiatre de mon employeur qui avait décrété contre tout bon sens que je devais reprendre le travail était… mon chef de département.

Si je devais comparer ma vie de cette époque-là à quelque chose, je dirais… à « aucune ». Aucune énergie. Aucune force. Aucune joie. Aucune sensation. Aucun sentiment. Aucune envie, sauf « l’envie que ça finisse, câlisse ». Et cette impossibilité physique, littéralement, de dire « ça va bien ». Quand j’y pense, c’est ce qui me marque le plus. Lorsqu’on me demandait comment j’allais, si je n’avais aucune raison particulière de dire que ça allait mal, je répondais : « ça va b… çavapaspire. ». Impossible de prononcer ce mot, il refusait de franchir le seuil de mes lèvres.

Et puis, petit à petit, j’ai remonté la pente. Sans vraiment m’en rendre compte au début. Mais un beau jour, en 2004, une tante qui habite dans une autre province et qui était en visite chez mes parents m’a posé LA question : « How are you, dear? » Et pour la première fois depuis de longs mois, de longues années, la réponse est venue, d’elle-même : « I’m fine, thank you! » Je vais bien, merci. Quand j’ai pris conscience de ce que je venais de dire, je me suis mise à pleurer. Mais cette fois, mes larmes étaient des larmes de joie. Non seulement je venais de voir la lumière, au bout du tunnel, mais je découvrais en même temps que celle-ci était plus, beaucoup plus proche que ce à quoi je m’attendais.

La thérapie cognitive comportementale a porté ses fruits, une miette d’étape à la fois. On a fini par trouver LE médicament qui me convenait. Après un an de maintien dans l’amélioration de mes symptômes, Doc. L. m’a référée à mon médecin de famille, avec la consigne de commencer à diminuer la dose de l’antidépresseur. Non sans m’avoir expliqué que la dépression, comme toute autre maladie, fragilise la personne qui en a souffert. Que par conséquent, je demeurais à risque d’en connaître un autre épisode et que, si cela devait se produire, le prochain serait toujours pire que celui qui l’a précédé. Et que pour cette raison, étant donné la gravité de ce que j’avais traversé, il serait probablement préférable, voire nécessaire, que je trouve la « dose plancher » et que je me résolve à devoir ensuite la prendre pour le reste de ma vie. Aujourd’hui, je me dis qu’être obligée d’avaler une pilule par jour n’est pas pire que devoir se piquer chaque jour à l’insuline ou encore devoir passer des dialyses hebdomadaires. Mon seul regret, c’est d’avoir dû renoncer à donner du sang.

Ces chaînes ont été lourdes à porter. Lourdes pour moi, lourdes pour ma famille, lourdes pour mes proches. Mais comme dit le dicton : tout ce qui ne tue pas rend plus fort. Mon mariage a survécu, ma famille a survécu, J’AI survécu. Et peut-être qu’un jour, une personne traversant une zone de tourmente similaire dans sa vie lira ceci. Si c’est le cas, je ne souhaite qu’une chose : que mon témoignage l’encourage et lui donne l’espoir d’en sortir, parce que c’est possible. Peut-être aussi qu’une personne qui vit le problème de l’extérieur, c’est-à-dire qu’un de ses proches est aux prises avec la dépression lira ceci et comprendra un peu mieux. Ou une autre comprendra que tous les jugements portés ont fait plus de tort que de bien et changera sa pensée.  Si une seule personne trouve du réconfort, de l’espoir, de l’encouragement, un point de vue différent du sien ou une nouvelle façon de voir dans ces lignes, alors, peut-être aura-t-il valu la peine que je traverse ce chapitre sombre dans ma vie. Peut-être que cela n’aura pas été, à la toute fin, vécu pour rien.

Pour combattre la stigmatisation, la meilleure méthode est de s’informer.
Questionnaire d’autoévaluation
Écoute, information et références : Revivre
Quand on envisage le pire

24 Réponses to “Plus tabou que les tabous”

  1. businessmum Says:

    Wahou ! Je l’ai lu en entier, je regrette rien. Dur dur, ca donne les larmes ! Bon alors, j’espère que ca ne me servira jamais réellement, sinon, ca veut dire que je connais quelqu’un ou que je suis dans cette situation.
    En tout cas, c’est une belle leçon de tout !
    Tout plein de moral, tout plein de courage pour écrire ca et parler de cette maladie « tabou », tout plein de vie. Et surtout, derrière, on sent TOUT le bonheur d’avoir retrouvé une famille, un foyer.

    Donc, un grand bravo, merci de l’avoir partagé, et rebienvenue dans la jolie vie !

  2. Chocolyane Says:

    Ouf.

    Pourquoi, quand tu dis des choses comme ça, je ne sais pas quoi dire?

    Je ne sais pas pourquoi mais… J’avais deviné. Je le sentais, que tu avais souffert. Beaucoup.

    Ça fait parti de toi. Et tu ne serais pas celle que tu es sans cet épisode. Je ne suis pas certaine que tu serais aussi extraordinaire… 🙂

  3. Bugs Says:

    J’ai tout lu aussi. Beau partage qu tu viens de faire là, vraiment.

  4. Nelson Says:

    Salut

    J’ai vécu la même chose que toi sauf que j’ai perdu ma famille et mes amis.

    Je suis en train de me rebâtir une vie.

    Ton texte m’a fait du bien. Merci

    Nelson

  5. Nicole Says:

    Nelson : je compatis profondément avec toi. Je n’ose imaginer ce que ça doit être, de perdre, en plus de tout le reste, ceux qui t’entourent. Je te souhaite tout le courage qu’il m’est possible de souhaiter pour achever de te rebâtir, pour t’accrocher. Gros câlin!

    Bugs : merci. Pour les bons mots, et merci de me lire.

    Choco : Parce qu’il n’y a rien à dire, tout simplement. Et c’est correct, on n’est pas obligé d’avoir toujours quelque chose à dire. Tu es là. C’est tout ce qui compte.

    Businessmum : merci. Un GROS merci ! 🙂

  6. JM Says:

    …ne manque que la pression sexuelle conjugale, et le portrait est complet, total et douloureux à souhait à lire, et relire. Écho, écho… Empathie totale.
    C’est quand même extraordinaire que ce soit si tabou, alors que le dixième de la planète a une araignée dans le plafond, et que le quart de ce dixième peut affirmer avoir mis la plante des pieds dans le fond du fameux baril.
    Je constate cependant que tu as si bien tissée ta toile, pour que l’araignée aille faire un tour ailleurs, que les sourires dont tu aurais tant eu besoin, désormais, c’est toi qui les fait naitre.
    Grande Nickie. Grande, grande.

  7. René Says:

    La dépression, c’est une maladie, pas une honte. Pourquoi faut-il que ce soit encore tabou d’en parler ? C’est injuste. Tout est plus facile quand a le soutien de son entourage, mais toute forme de maladie mentale entraîne souvent le rejet. Quelle dommage. 😦

    Tiens ! Toi aussi, tu passes par la thérapie cognitivo-comportementale ? Moi, c’est pour autre chose…

  8. Norah Says:

    Merci Nicole

  9. Nicole Says:

    JM : as-tu seulement conscience de la richesse que tu apportes à la vie des autres,quand tu en fais partie? J’t’adore, toi.

    René : eh oui, c’est une maladie et pas une honte. Mais il y a une telle éducation de masse à entreprendre… Et tu as raison c’est vraiment dommage. Pour la thérapie cognitivo-coportementale, j’y suis passée, oui. Et honnêtement, pour une personne d’action comme moi, cela a fait des merveilles. Même si j’ai dormi la plus grande partie – faut croire que mon subconscient absorbait quand même 🙂 J’espère que tu en retireras les mêmes bénéfices, ami!

    Norah : un petit, tout petit commentaire qui dit tout. Bienvenue chez moi!

  10. sylvie Says:

    J’ai pris le temps de tous lire ton vécue ne m’a pas surpris . Je ne te connais pas mais j’ai jaser une fouis avec toi lorsque tu es venue chez moi je ne sait pas si tu te souvien , moi en tout cas je m’en souvien, j’avais senti ton bagage à ce moment là et j’étais certaine que tu étais une grande femme et je le constate aujourd’hui dans tes écrits.
    Merci pour cette marque de confiance en nous partageant ton vécu, 🙂

    Merci d’être le bel être humain que tun es 🙂
    Merci d’être là ici avec nous 🙂

    Sylvie dis Puce Qui Pique Pas 🙂

  11. Num Says:

    Hey merde !! C’est Nicole !! Hahahaha !! T’as le même template, je t’ai condondu !!!

    Désolé !

  12. Num Says:

    Condondu=confondu…

  13. maty Says:

    lire et relire ton texte, ce vécu difficile et si bien relaté ici, c’est comme un écho à ma propre histoire ; certes, chaque histoire est différente, mais parfois les maux et les mots se ressemblent, se confondent…
    une belle leçon de volonté et de désir de tourner la page qui contient des « ratures » ! le présent et l’avenir t’appartiennent Nicole ! go ahead !
    maty

  14. mysteriousmel Says:

    Nickiie, le destin a fait que tu croises ma route et je crois que c’est la meilleure chose qu’il pouvait m’arriver… Lire ton historique de vie a fait naitre des larmes dans mes yeux et un serrement au coeur. Te connaissant dans le présent, forte et fière, une femme de tête digne et un coeur d’or. Je me vois dans tes propos, et je sais que je ne suis pas encore totalement guérie. Mais tu sais que notre rencontre a changé ma vie et que j’aspire à de meilleurs horizons, et ce grace a toi 🙂

    Kiss, Mélanie xoxoxoxox

  15. Dave Id Says:

    J’ai lu ton commentaire sur Gharl.

    Tout me semble familier. J’ai fait 2 dépressions solide dont une ou tout le monde croyaient que j’allais me faire la peau, sauf moi, mais j’ai compris comment quelqu’un pouvait en venir a ce point.

    Mes médecins on refusé de m’envoyer en thérapie de peur que je rende les psychiatres complètement débile – il semble que selon eux je suis sur-analytique (drôlement mon titre professionnel est analyste) – avec mes questionnements philosophique continuel et ma truculence et cruauté verbal face a la confrontation.

    Alors pour moi ca été la pharmacothérapie et je me suis tourné vers les études bouddhique pour recalibrer mon « esprit ». La méditation et plus la pensée fixée m’ont permis de voir où je faisais gaffe dans ma manière de penser. Tout ce travail pour réaliser une chose : On se complique la vie pour des riens inutiles. Et c’est qu’il faut réaliser et pas juste le penser – nous devons garder les choses SIMPLE.

    Les choses sont stables de ces jours ci mais je peux sentir la bête s’approcher quand mon stress s’accumule trop (surtout avec mon travail de débile du monde d’informatique de fou) et le soir, après une journée de travail, la plupart de gens eux peuvent sortir dans les 5 a 7, ou bien commencer leur 2eme shift (la famille), par contre, moi je suis épuisé, la batterie est vide. Je me suis jamais remis du coté énergie. Si j’ose sortir, le lendemain je trouve ca difficile.

    Ma firme m’a offert un mandat à l’étranger pour deux ans et je ne sais pas si je vais le prendre justement pour ces raisons. Je ne sais pas si je veux prendre la chance de « crasher » même si le mandat serait un gros « boost » à ma carrière et a ma position au sein de la firme. Pas facile vivre avec cette maladie.

    Tout ce que j’offre a ceux qui souffre de la DP – mon petit nom pour la DéPression – c’est de simplifier sa vie au maximum et de rejeter tout ceux qui sont toxique a sa vie. Ce n’est pas facile, mais les gens toxique il faut absolument s’en passer. Et surtout de suivre la maxime de Ferris Buller : Life Moves pretty fast, if you don’t stop and look around, you could miss it – La vie ca bouge vite, si tu t’arrête pas pour la vivre, tu vas la manquer.

  16. Nicole Says:

    Dave IP : Commentaire rempli de sagesse, une sagesse unique qui ne s’acquiert qu’à un prix exhobitant : le prix de sa santé mentale. Garder ça simple… C’est devenu ma maxime, à moi aussi. Dès que les choses se compliquent, je lève le camp. J’évite aussi le stress inutile et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi, moi, de travailler comme pigiste : c’est moi qui fais mes horaires, je dors quand je veux, tant que le travail est remis à temps, pas de souci.
    Tu auras compris que moi aussi, on a eu peur que j’en vienne à poser le geste sans retour. Seul mon fils m’a tenue de ce côté-ci du voile. Mais c’est aussi la raison pour laquelle, moi, je dépends d’une petite capsule rouge à chaque matin. So be it, cette capsule a fini par me sauver la vie.
    J’espère que tes méditations et ta sagesse sauront t’apporter la réponse juste, quant à ce que tu feras pour ton travail. Pour ma part, je demande à l’univers de te guider.
    Merci pour ton commentaire, il apporte beaucoup au message que je veux passer ici. Ton apport est infiniment apprécié! Bienvenue chez moi!

  17. Nicole Says:

    Maty : merci pour ton passage chez moi. Ce sont les mots laissés ici qui donnent un sens aux miens. Tu es la bienvenue ici!

    Mel : je ne sais pas laquelle de nous deux a le plus de raisons de remercier le destin qui a fait que nos routes se soient croisées, ma douce amie. Mais ton commentaire m’est allé droit au coeur, juste là, à côté d’où TOI tu te trouves. xxxxx

  18. sindy Says:

    hey miki tu travaille trop bien toi jespere que taime sa !xxx bye pi joyeuse fete xxx

  19. Nicole Says:

    Sindy : c’est une belle surprise que tu me fais, de me laisser un petit mot! Merci!!!

    xxxx

  20. Annie Says:

    Je viens de faire la lecture de ce billet. OUf.. pas `lourd à lire, non du tout mais surtout saisissant. Dans certains passages… je me reconnais. Ça me porte à me poser des questions sur moi-même.. sur mon état psychologique. On verra le cheminement que je vais faire avec cela.
    Contente maintenant de voir que tout va mieux pour toi.

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