Elle est forte comme un roc. Si la résilience avait un visage, ce serait le sien. Elle est la première fille de sa famille, arrivée après quelques frères. A dû montrer l’exemple pour ses jeunes soeurs, arrêter de fréquenter l’école après sa 7e année, où elle avait d’excellents résultats scolaires, parce que son destin de fille exigeait qu’elle travaille pour aider la famille. A eu son coeur brisé par un amoureux avant de rencontrer l’Homme, celui qui la ferait mère. L’a épousé et lui a donné trois enfants. Mais l’Homme n’aura jamais eu le temps de voir naître sa 3e enfant, un accident de la route l’ayant fauché dans la fleur de l’âge. Elle accoucha donc, toute seule, d’une jolie 2e petite fille, s’interdit de s’appitoyer, parce qu’elle avait maintenant trois petites vies qui dépendaient d’elle, qu’elle avait (et ferait) toujours fait passer avant la sienne.
Revint ensuite l’amoureux qui ne l’avait finalement jamais oubliée. Un peu trop vite pour elle. Mais elle pensait surtout aux enfants et le laissa s’installer dans leurs vies. Il les aima comme les siens et prit soin, du mieux qu’il savait, d’eux et d’elle. Et un gros petit garçon vint compléter cette famille reconstituée, avant que le terme devienne à la mode.
Elle a trimé dur pour les élever tous les quatre pendant que l’amoureux travaillait de longues heures pour gagner les sous du logis, de la nourriture, des vêtements… Elle a vu ses enfants grandir, a passé au travers de quatre crises d’adolescence corsées. A vu son aînée quitter le foyer pour des études à Montréal, et s’en est inquiétée sans jamais trop le montrer. Mais l’aînée croit bien être à l’origine de ses premiers cheveux blancs.
Elle a connu le pire cauchemar de toute mère : la perte d’un fils, par un geste délibéré. Et a continué à se tenir debout. A dit, une fois pour toutes qu’après ça, la vie ne pourrait plus jamais la jeter sur le cul.
Elle a vu naître 9 petits-enfants et, récemment, une arrière-petite-fille. Vécu avec ses enfants les inquiétudes des nouveaux parents, aidé, bordé, gardé, conseillé lorsque demandé.
A soutenu de toute son énergie ses deux filles, chacune à son tour, quand elles ont divorcé.
A vécu dans ses trippes les déboires de son plus jeune, qui l’a finalement récompensée en prenant les moyens pour se remettre debout et marcher droit.
Elle a traversé avec l’amoureux un premier cancer, il y a huit ans. S’est réjouie de sa rémission. Et depuis 10 mois elle revit, avec la récidive de ce cancer, une nouvelle fois avec lui la ronde des traitements, de l’attente, des inquiétudes, des questions qui ne reçoivent que des demi-réponses, et la frustration contre un système de santé aussi malade que ses patients. Prend espoir dans chaque étape traversée, une à la fois; et pleure, parfois, quand personne ne regarde.
Cette femme a affronté vents et marées, pour ceux qu’elle aime, sans jamais penser à elle, ou si peu. Et elle se tient encore debout. Chacun de ses cheveux blancs porte un nom, une date, un événement. Son visage est toujours aussi beau. Ses mains toujours fortes. Cette femme, qui mérite des milions de fois l’hommage que je lui rends aujourd’hui, c’est ma mère. Je remercie le ciel de me l’avoir donnée, elle et nulle autre, pour veiller sur moi depuis le jour de ma naissance. Si aujourd’hui je suis ce que je suis, c’est parce qu’elle est ce qu’elle est. Une femme forte, généreuse, résiliente, belle, magnifique.
Je t’aime, Maman.